« Le cinéma est un média qui a un fort impact sur les personnes, et les festivals ont un fort impact sur les gens qui font le cinéma », philosophe Guillaume Calop. Le délégué général des Arcs Film Festival en est convaincu : le secteur de la création cinématographique doit mener de gros efforts sur les enjeux écologiques. Né en 2009, le festival se consacre à la diversité du cinéma européen indépendant, et se déroule chaque année en décembre. Après avoir affiché sa volonté de repenser la place des femmes dans le cinéma avec la création, en 2013, du prix Femme de Cinéma et d’un think tank nommé Lab Femmes Cinéma dédié aux questions de parité, le festival veut désormais montrer patte verte. En 2019, la création du Cinéma Green Lab abordant la question de l’impact environnemental causé par l’industrie cinématographique, témoigne de cette nouvelle volonté.
Cette initiative intervient après les révélations, en 2015, par l’Association pour la défense de l’environnement et de la nature (Aden) que 1900 tonnes de déchets ont été générées par la seule tenue du Festival de Cannes. Le Cinéma Green Lab entend influencer tant le public que les réalisateurs et les producteurs. Ainsi, les professionnels du secteur et le grand public se sont vus invités à participer à des ateliers sur l’impact écologique des salles de cinéma et à des conférences autour des tournages éco-responsables. L’an dernier, Les Arcs Film Festival a initié un atelier afin de mettre en place une charte verte pour les festivals de cinéma. Guillaume Calop, délégué général du festival, insiste sur l’importance de l’écologie dans l’édition 2020 nommée « Hors piste », avec la venue de personnalités politiques et d’acteurs de la protection de l’environnement qui alimenteront aussi la nouvelle édition du Lab.
Engagement écologique
Les Arcs Film Festival n’est pas le seul évènement à afficher ainsi son engagement écologique. Plusieurs autres rendez-vous annuels s’invitent également dans le débat de la préservation de l’environnement. C’est notamment le cas des Deauville Green Awards qui incitent à l’éco-mobilité avec la mise en avant du covoiturage, des véhicules électriques et du train, ou encore qui proposent une alimentation durable et de saison. Dans la même veine, les Arcs Film Festival a dit adieu au plastique à usage unique. Guillaume Calop, qui reconnaît la pollution émise par la fourniture en nourriture des festivaliers, évoque un « effort » fait de la part des prestataires locaux comme Super U dans l’usage du plastique : « Grâce à notre demande constante d’être plus écologique, ils prennent conscience de l’impact du plastique au quotidien et les choses changent » affirme-t-il. Reste à vérifier si les traiteurs feront acte de leur engagement pour les prochaines éditions.
Le Cinéma Green Lab a aussi rendu possible la création d’une nouvelle remise de prix pour l’année 2020, nommée « Les Arcs Green Project » qui récompensera un film de fiction avec, à la clé, 10 000 euros pour le vainqueur. Une condition : le film doit impérativement traiter du changement climatique et se dérouler en partie dans une région alpine. Toutefois, le festival n’exige pas de critères environnementaux concernant la production et la réalisation de ces films, le but premier avancé étant la sensibilisation du spectateur. Une situation qui illustre la difficile ascension écologique du secteur cinématographique. En effet, l’industrie de l’audiovisuel, dans son ensemble, rejette près de 1,1 million de tonnes de CO2 par an. La production de longs métrages et de séries représente 25% de ces émissions. Le cinéma, dans sa globalité, se tourne lentement mais sûrement vers l’écologie grâce à des collectifs comme Ecoprod qui a mis en place un calculateur permettant d’établir un bilan CO2 des productions. L’objectif est d’inciter aux bonnes pratiques, comme la réutilisation des décors de tournage, le tri des déchets et l’utilisation d’énergies renouvelables. L’autre raison de cette pollution est le déplacement des spectateurs pour se rendre dans les salles de cinéma qui s’implantent de plus en plus dans les zones commerciales accessibles en voiture. Dès lors, ne faudrait-il pas prendre en compte les efforts consentis à réduire les impacts environnementaux lors de la production et la distribution d’un film, au moins autant que son message ?
Greenwashing ?
Guillaume Calop estime « qu’il n’y a pas de petits gestes écolos, toutes les actions sont bonnes à prendre pour avancer ». Le délégué général reconnaît la pollution émise par la venue de tant de festivaliers en station de ski, mais souligne que les Arcs est une station de ski accessible par train et funiculaire : des transports à basse émission. Reste que même en ayant recours à des mobilités douces, les stations de ski ont un impact sur la biodiversité. « Il est important d’avoir à l’esprit que nous sommes invités dans ces lieux. Ce n’est pas à la nature de s’adapter à l’homme, comme nous avons tendance à le croire, mais à l’homme de s’adapter à la nature », évoque Michèle Budna, déléguée environnement à la Fédération Française du Milieu Montagnard (FFMM), qui espère que les Arcs Film Festival s’organisera pour avoir « un impact minimum sur la nature ». Néanmoins, le festival affiche une ambition écologique qui reste faible. En n’exigeant pas de productions cinématographiques avec un impact carbone réduit, le festival risque de se tirer une balle dans le pied. Car c’est tout le secteur cinématographique qui doit se mobiliser pour faire baisser ses émissions, qui équivalent approximativement aux émissions de l’ensemble des transports à Paris en une année. L’édition 2020 « Hors piste », qui se déroule à distance, a en tout cas donné l’occasion au festival de défendre son ambition première : sensibiliser tous les acteurs du secteur à la préservation de l’environnement.
Article issu de la série «Quand les artistes explorent le vivant», réalisée par et avec les étudiants du Master Humanités et Industries Créatives (parcours Journalisme culturel) de l'Université Paris Nanterre
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